Rencontre avec la bijoutière lilloise, figure du bijou contemporain français, dans son atelier du quartier du Temple à Paris. Une discussion informelle, où les questions se sont enchaînées spontanément.

Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes devenue bijoutière ?
C’est un peu le hasard qui m’a conduite vers ce métier. En terminale, je cherchais une voie professionnelle manuelle, et des gens m’ont parlé de la bijouterie. J’ai trouvé un apprentissage et j’ai découvert que j’aimais travailler le métal. Ce n’était pas une passion de toujours, mais j’ai été captivée dès que j’ai commencé.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le travail du métal ?
Ce qui me plaît, c’est de travailler le métal, de le transformer. J’aime la précision et la patience que cela demande. La forge, par exemple, est une technique ancestrale qui me fascine. J’ai appris un peu cette technique à Strasbourg, où j’ai eu l’occasion de m’entraîner au Damas avec Jean-Louis Hurlin, un maître d’art. Mais pour l’essentiel, j’ai appris par moi-même.

Comment se déroule votre processus créatif ? Dessinez-vous vos pièces avant de les créer ?
Ça dépend. Le dessin est pour moi un outil de réflexion. Je l’utilise pour faire évoluer une pièce ou pour trouver des solutions techniques. Mais je ne dessine pas toutes mes pièces. Souvent, ce sont les objets que je ramasse ou que je vois qui m’inspirent. Je pars de l’existant et je transforme.

D’où tirez-vous votre inspiration ?
J’ai des fils conducteurs que je suis. Mes trouvailles m’inspirent. Par exemple, pour les colliers à spirales, j’ai su immédiatement ce que je voulais en faire dès que j’ai vu l’objet. J’ai fait quelques recherches pour la disposition, testé différents enroulements, et finalement, j’ai trouvé ce qui me plaisait.

Travaillez-vous uniquement le métal, ou explorez-vous d’autres matériaux ?
Je travaille aussi les végétaux, les galets, et parfois la cire. J’utilise parfois des pierres précieuses, mais seulement si la pièce le nécessite. J’aime bien la tourmaline ou l’émeraude.

Comment décririez-vous votre style ?
C’est une question difficile. Je dirais qu’il y a des influences primitives dans mon travail. Je ne suis pas dans la géométrie ; j’aime les formes désaxées et je n’aime pas la répétition. Mon travail se rapproche peut-être plus des objets africains, mais c’est difficile de se classer soi-même. Ce sont plutôt les autres qui définissent votre travail.

Avez-vous un poinçon ou une signature pour vos créations ?
Oui, j’ai un poinçon de maître. C’est un losange avec mes initiales, MA, et au milieu, il y a un castor. Le castor est un animal constructeur, familial, et qui vit en harmonie avec la nature. C’est un symbole qui me parle beaucoup.

Y a-t-il toujours une histoire derrière vos bijoux ?
Oui, toujours. Mes bijoux racontent des histoires de rencontres, que ce soit avec des objets, des gens ou des lieux. Ils ont presque tous un nom, qui apparaît comme une évidence au fur et à mesure de leur création.

Cherchez-vous à transmettre une émotion particulière à travers vos bijoux ?
Pas forcément une émotion spécifique, mais il y a toujours des émotions dans mes créations. C’est plus une idée, un fil conducteur, une histoire. Les émotions se transmettent à travers le travail de la matière. Un bijou est un objet qui transforme les émotions, et chaque pièce est porteuse de la sensibilité de son créateur.

Pouvez-vous nous parler des techniques que vous utilisez ?
J’utilise beaucoup de techniques classiques de bijouterie, comme la forge. Mais j’invente aussi parfois mes propres techniques ou outils pour arriver à mes fins. Par exemple, les bagues feuilles sont nées d’une expérimentation où j’ai moulé des champignons dans du plâtre, puis des feuilles. C’est un processus constant d’expérimentation et de recherches.

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